ze belgian gills on tour

AFL Grand final 1er octobre 2016


 afl2.jpg

 

 

 

Melbourne, victoria, Australia

 

samedi 1er octobre 1994 , il est 08h30 du matin et j’ai froid…. Pour la première fois depuis que j’ai quitté la Belgique il y a presque 1 an, j’ai un petit nuage de fumée qui sort de ma bouche quand je respire, et rien dans le sac à dos qui m’a aidé à traverser le sous-continent indien et l’Asie du sud-est ne semble indiqué pour résister aux rigueurs du printemps austral.

 

Je grelotte donc dans un vieux t-shirt estampillé Kathmandu, l’air un peu hagard….la veille j’ai été voir le concert de de Buffalo tom  du côté de St Kilda et j’ai profité d’une carte de presse achetée 2 dollars à Bangkok ,pour me faire passer pour le rédacteur d’un obscur fanzine de rock indépendant, vaguement interviewer le groupe de première partie et surtout me faire payer des bières gratuites par l’organisation 

    

 

BUFFALO TOM.jpg

 

 

 

Quand on a fini par me jeter j’ai tenté de taper l’incruste dans une soirée privée  en essayant maladroitement de  draguer des jeunes autochtones  et j’ai fini par terminer ma nuit complètement bourré dans une boite interlope sordide, mais  qui avait le bon ton de diffuser du « my bloody Valentine » a toute berzingue…j’ai dû rentrer vers 05h00 du mat, et j’imagine qu’avec mes ronflements j’ai dû faire chier mes coturnes jusqu’au petit matin…

 

3 heures plus tard et je suis déjà sur le pont, parce qu’aujourd’hui. est un jour un peu particulier, aujourd’hui c’est la grand final, l’apothéose de la saison de football australien.

 

En fait quelque part, si je suis la aujourd’hui, c’est comme souvent par snobisme…les plus jeunes ne s’en souviennent sans doute pas, mais bien avant de devenir le cador de l’audiovisuel le plus puissant de la planète, ce bon vieux Rupert Murdoch a d’abord attaqué timidement le marqué européen avec Sky chanel, une chaine bien cheap avec des clips vidéos a foison, des soaps des antipodes, mais surtout une offre inégalée de sports (la NBA, la NFL , la NHL ) qui a l’époque  n’intéressaient quasi personne…comme le monde a changé en 30 ans.

 

Bref, profitant de sa toute-puissance down Under , le moghul d’Adelaïde en profita pour nous fournir en sus le championnat de football australien qui immédiatement me passionna au plus haut point….c’était le temps ou les vedettes s’appelaient Stephen Silvagni a Carlton, le vieux Michael Tuck a Hawthorn et le play-boy Warwick Capper A Sydney, un temps ou les détestables gagnaient les titres années après années  (les Hawks, les blues ou les Magpies ) , alors que mes favoris de North Melbourne restaient enfoncés chaque saison un peu plus dans l’anonymat ouaté du fin fond du classement….

 

 

Michael_Tuck.jpgsilvagni.jpgcapper.jpgCARREY.JPGCARREY.JPG
Tuck,Silvagni,Capper..et dieu (Wayne Carey)

 

Néanmoins 10 ans plus tard, quand je décidais d’aller voir le monde avec mon sac sur le  dos, j’avais spécifiquement noté dans mon agenda la date du premier octobre pour être a Melbourne et voir enfin (j’en étais convaincu)  mes favoris soulever le trophée pour la première fois depuis des lustres…

 

Bon il serait long et fastidieux de vous raconter mon voyage ou chaque fois que je rencontrais des australiens je leur demandai la position de North Melbourne qui semblait chaque semaine un peu plus englué loin des places qualificatives pour les play-offs.

 

D’ailleurs quand j’arrivais en Australie vers le 15 aout , les kangaroos naviguaient misérablement loin des premières positions, mais tandis que je descendais vers le Queensland  ils entreprirent une remontée aussi surprenante qu’inespérée en gagnant leur 4 derniers matchs  et se  qualifiaient in-extrémis pour les play-offs….Une victoire après prolongations  en ¼ de finale contre les Hawks  plus tard et les Roos se retrouvaient pour la 1ere fois depuis 1977  à 120 minutes de la grand final ….incroyable j’avais choisi Mon année !

 

Je me souviens parfaitement que ce samedi là j’étais au milieu de nulle part dans un bus qui devait m’amener de Coober Pedy jusqu’à Broken Hill et que je profitais d’un arrêt providentiel  dans une station-service perdue dans Le grand désert de Victoria pour filer au pub et m’enquérir du score….hélas a 5 minutes du terme les Geelong cats possédaient 13 points d’avance et rien ne semblait devoir troubler leur sérénité….sauf mon arrivée au comptoir, car dès l’instant ou j’eu commandé une victoria bitter pour refroidir ma gorge desséchée par la poussière et par l’angoisse  mes favoris entamèrent une surprenante remontada qui les vit prendre l’avantage pour la première fois de la partie a moins de 30 secondes de la fin du match…une dernière mise en jeu un long coup de pied en chandelle, une bataille de chiffonnier dans un coin une réception  d‘une seule main aussi tardive qu'inutile  d’un de nos adversaires et  puis la sonnerie libératrice annonçant  la fin de la rencontre  a la plus grande joie d’un touriste hirsute occupé à danser la danse de st guy devant un parterre hétéroclites et hilares de  sosies de crocodile dundee….

 

 

 

ablett1.jpg

 

ce saligaud de Gary Ablett

 

 

Incroyable, je prépare ce voyage depuis des années , je sais qu’après des années de vaches maigres l’équipe que je supporte va réussir la saison parfaite et va jouer sa première finale depuis 20 ans ,la seule semaine de ma vie ou je serai a Melbourne…c’est presque trop beau pour être vrai….

 

 

 

Et effectivement,c'est trop beau....au football australien il existe une règle qui dit que si un ballon est rattrapé par un joueur, et que la sonnerie de fin de période retentit  ,il a encore le droit de shooter au but…….le temps s’arrête, les secondes durent des heures, le  gars s’élance…c’est un colosse d’un mètre nonante ,il a le nez épaté d’un mec qui a passé sa carrière à prendre des coups dans la gueule , il a le cheveux blond rare et filasse ,il a tout sauf le physique d’un vainqueur, c’est un gros maladroit, il va rater c’est sur…  il s’appelle Gary Ablett  et de 25 mètres ce type dont je n’avais  jamais entendu parler (mais qui continue de me hanter 22 ans plus tard) envoie à la casse mon rêve de plus de 10 ans…..

 

 


 

  aaaaarrrrrrrrgggggggghhhhhhhhh !!!!!!!!!!!!!!!

 

Je suis donc là, le samedi 01 octobre à battre le pavé en attendant le tram pour le Melbourne Cricket Ground  et  essayer de trouver un ticket bon marché  pour le match (après tout tant que je suis en ville) pourtant ce n’est pas vraiment  que j’ai une équipe à chérir en ce jour, les Geelong cats pour toutes les raisons évoquées au paragraphe précédent, mais je n’ai pas plus de sympathie pour les West Coast Eagles, équipe de rustauds venu de Perth en Australie occidentale et dont j’ai eu à subir le manque d'éducation et de retenue des supporters dans le bus de nuit qui m’amenait d’Adélaïde a Melbourne 2 jours plus tôt…d’un côté des supporters a la tronche de conscrits  d’une ville industrielle du sud de l’état  (Geelong) de l’autre des rednecks avec des chapeaux à bouchons la peau tannée par le soleil et une bouteille de XXXX à la main (West coast),c’était clairement la peste ou le choléra

 

10h00 du mat, après un petit déjeuner roboratif près de la gare centrale je remonte Russell street jusqu’à la rivière Yarra , je passe à côté de la Rod Laver arena, ou se déroulent les internationaux de tennis d’Australie en janvier  et je coupe plein est à travers le parc jusqu’au MCG.

 

 

 

mcg.jpg

 

 le Melbourne Cricket Ground,temple de l'australian  rules football

 

 

Le match n’a beau commencer que dans 4 heures il y a déjà du monde a proximité, j’imaginais que pour une finale opposant deux équipes extérieures à la ville trouver une place serait facile, et bien je me suis lourdement trompé…il y a bien déjà 10.000 ou 20.000 fans qui sont présents sur place à descendre des litres de   Toohey’s blue, de VB ou de Forster’s en se remplissant la panse avec des grillades et des hamburgers du stade qui surnagent dans une odeur de charbon de bois et un océan de graisse animale.

 

 

 

AFL-Grand-Final-Record-1994-West-Coast.jpgDSC01638.JPG

 

 

 

Je me renseigne sur le prix des tickets au marché noir, mais je ne trouve rien à moins de 300 dollars, donc je m’achète le programme et un t-shirt souvenir du match et je me casse en ville le temps de laisser décanter les choses.. je redescends  par Elizabeth street, et je me cherche un bar pour prendre l’apéro….finalement je trouve un bouge assez sordide dans une ruelle un peu a l’écart….l’endroit ferait le bonheur d’un sociologue étudiant la déshumanisation et la misère sociale dans les mégalopoles du 20eme siècle….

 

 

Entre des loustics a la gueule patibulaire mais presque qui tapent le carton dans un coin , des filles fardées et très légèrement vêtues qui tortillent du cul en jouant au billard , une vieille aborigène qui fait une crise de boisson dans l’indifférence générale au pied du comptoir et quelques bikers qui toisent tout le monde d’un air mauvais on se croirait dans un épisode de « underbelly » et j’avoue que je ne serai pas plus surpris que cela si quelqu’un sortait une lame ou un 6 coups pour régler une dette de jeu ou d’honneur…je bois ma bière sur un tabouret vintage représentant une selle de cheval sous les regards plein de suspicion de l’assemblée et je me casse rapidement

 

 

De la je vais dans le piétonnier, sans surprise mieux pensé que le bruxellois, et je trouve un magasin de disques ou Unrest , qui est en tournée dans le pays est en train de donner un showcase acoustique, de mémoire ils jouent une chanson à la gloire de la  génialissime  Cath Caroll, leur dernier single « Isabel »  (en mémoire d’Isabel bishop, féministe et peintre américaine qui a notamment peint le portrait de Jane Austen qui figure sur les nouveaux billets de 5 livres ) Quelques chansons ou ils font plus de bruit avec un onglet de guitare  que guns & roses dans un stade de foot, et en rappel une reprise des « hummingbirds », groupe pop australien hélas trop tôt disparu après deux albums aussi magnifiques que mésestimés…

 

 

 


 

 

 

Le temps passant je retourne au stade ou c’est une véritable ambiance de rodéo s’est installée, tout le monde semble avoir un stetson sur la tête, des santiags et des chemises a lacets  , il y a des BBQ improvisés partout et tout le monde carbure à la 50cl de blonde mousseuse….les gars ne sont pas encore à sortir leur bite pour voir qui pisse le plus loin mais ça ne va pas tarder. Je tente vainement de me dénicher un ticket, mais la demande dépassant largement l’offre, et comme mes 8 semaines à voyager et à faire la fête entre Sydney, Brisbane et Alice Springs         ( who’s the fuck is Alice ?)  ont largement plombé mon budget, je me résous à retourner  en ville voir le match dans un pub

 

Finalement je débouche sur le piétonnier de Bourke street qui est aussi animé que les alentours du stade et je me retrouve dans un sports bar, du type qu’à l’époque on ne trouvait que dans les pays anglo-saxons. l’ambiance est  a la fois calme et à la totalement  survoltée…calme parce que les supporters des deux équipes sont au stade et que les gars qui sont là, sont pour la plupart des spectateurs neutres.. mais survoltée parce que les serveuses toutes plus libidineuses les unes que les autres sont non seulement très court vêtues (avec des maillots des différents clubs de la ligue, explicitement découpés 10cm au-dessus du nombril mais n’hésitent pas à monter sur le comptoir pour passer les commandes avec des attitudes tellement sexuellement agressives qu’on se croirait  dans un film de Marc Dorcel…et comme le public est majoritairement composés de thirty something qui ont laissé bobonne a la maison pour aller faire la teuf avec dans n’importe quel ordre des potes, du foot, de la bière et un peu de cul, l’ambiance est donc fatalement assurée.

 

 

CBD-Bourke-Street.jpg

 bourke street,centre névralgique du Melbourne qui s'encannaille...

 

 

Le match est sans surprise, absolument insipide…Geelong s’accroche pendant un quart temps et puis s’écroule lamentablement comme un vulgaire château de carte , ce vieux salopard de Gary Ablett n’en touche pas une, ayant sans doute été maudit jusqu’à la 27eme génération pour ce qu’il a fait en ½ finale….comme le suspense est limité sur l’écran j’entreprends de causer avec mon voisin de table, un local rigolard  avec des cheveux blonds, des taches de rousseur et une peau de roux qui doit lui valoir bien des problèmes sous les températures caniculaires du mois de janvier…De conversations en tournées de bières (c’est la serveuse avec le maillot de Richmond  et son physique plantureux qui s’occupe de notre table ), il entreprend de me déniaiser par rapport à certains aspects méconnus  du foot australien qui sont finalement bien abstrait à mes yeux.  

 

Mon compagnon d’infortune et de picole  s’appelle Nick, comme moi c’est un prolo de banlieue et ce qui nous rapproche encore d’avantage  c’est que tous les deux on est nés en 1966, on aime boire des bières  et on supporte des équipes de merde, vouée à l’insuccès perpétuel. Lui c’est un fan des Footscray Bulldogs une équipe de l’ouest de la ville, sorte de perdant magnifique  de la ligue qui n’a gagné qu’un seul titre de champion depuis sa création en 1877 et qui n’a plus joué la finale depuis 1961,soit 5 ans avant sa propre naissance ….et d’ailleurs l’avenir n’est pas rose pour les bulldogs. Depuis 1990 la ligue a décidé de dépoussiérer le championnat  pour le faire entrer dans l’ère du professionnalisme et des droits télévisuels exponentiels. Et pour se faire  il faut  d’abord désenclaver Melbourne ou jouent quasiment toutes les équipes de la ligue…les West Coast Eagles, et Adelaïde ont été les premières franchises extérieures à sortir de terre et il existe des projets pour implanter des clubs  a Fremantle , Newcastle ,Townsville et même une 2eme équipe en Australie du sud….mais pour réussir un tel projet il faut faire de la place….les petits sont invités soit à s’unir soit disparaitre, et dans le viseur des têtes pensantes de la ligue.. Fitzroy et Footscray, les 2 petits poucets de l’AFL, qui végètent dans les abimes du classement et dont le manque de support agace prodigieusement les grands argentiers du sport.

 

 

 

logo1.jpg

 du temps ou toutes les équipes jouaient a Melbourne (les swans ne sont partis a Sydney que beaucoup plus tard)

 

 

On en est la en 1994, Footscray qui  a perdu son stade va dès la saison prochaine changer son nom en western Bulldogs (question de branding parait-il…) pour attirer des sponsors  et vit une existence  nomadique en faisant la manche chez ses voisins pour pouvoir jouer ses matchs à domicile pas trop loin de sa base. .la ligue pousse pour une fusion avec les voisins d’Essendon , mais les fans ne peuvent s’y résoudre, enfin c’est déjà mieux que les Fitzroy Lions  qui complétement exsangues ont dû se résoudre à abandonner leurs supporters pour aller s’installer à Brisbane 1600 bornes plus au nord…

 

Après le match on a encore bu quelques bières en refaisant le monde et en glissant des remarques graveleuses sur l’anatomie des serveuses (miss Collingwood avait remplacé miss Richmond) et puis on est reparti avec nos adresses respectives sur un carton de bière, comme on le faisait avant l’invention d’internet et de facebook, et on s’est promis de s'écrire  a l'occasion  un de ces jours en savant pertinemment qu’on ne le ferait jamais …. le soir je suis ressorti voir un concert, me bourrer la gueule et le lendemain me taper la boite de Motilium  dans le bus qui m’emmenait vers Cambera et de nouvelles aventures,

 

et la vie a repris son cours…de loin en loin j’ai continué a suivre le football australien et j’ai même vu (comme quoi tout arrive) North Melbourne gagner le titre en 1996 et 1999, Footscray par la grâce de la mobilisation de ses supporters n’a pas fusionné, n’a pas déménagé et malgré son budget riquiqui est toujours bel et bien dans la ligue  . Quand a ce brave Nick,   je n’ai plus  jamais reçu la moindre nouvelle de lui, même si je dois encore avoir son adresse quelque part dans le fond d’une caisse de souvenirs de voyages , je pense même  n’avoir  plus jamais pensé à lui depuis ce jour-là…

 

enfin jusqu’à aujourd’hui, samedi 1er octobre 2016…. 22 ans jour pour jour après notre seule et unique rencontre   et alors que j’ai rangé depuis bien longtemps mon sac à dos et  mes rêves de jeunesse, aujourd’hui je pense à ce bon vieux  Nick…lui aussi il a 50 balais, j’imagine qu’il est marié, qu’il a des gosses ,un boulot qui le fait chier et un crédit logement à rembourser .Mais aujourd’hui, de tout ça  Nick s’en fout….

 

Aujourd’hui, face aux Sydney Swans , contre toute attente  et  pour la première fois depuis 55 ans  les footscray Bulldogs jouent  la grand final !

 

 

 

footy_teams_map.jpg

 l'Australia Football League en 2016



29/09/2016
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 8 autres membres